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Twitter permet-il à nos hommes/femmes politiques d’être plus proches des citoyens ? Un mythe ! À l’exception d’Ecolo et du PTB, les politiciens francophones vont sur Twitter avant tout pour y faire leur promotion pure et dure.
Nicolas Vanderbiest, conseiller R&D de l’agence REPUTATION 365 et doctorant à l’UCL sur les crises de réputation des organisations sur le web, a passé au crible, pendant près de trois mois, les conversations sur Twitter des principaux partis francophones. La première étude du genre !

Qui est l’homo politicus sur Twitter ? Comment s’en sortent les différents partis politiques sur le réseau social ? Savent-ils se servir de l’actualité ? Twitter redéfinit-il le rapport entre les journalistes et les hommes politiques ? Telles étaient quelques-unes des questions de départ de l’étude menée par Nicolas Vanderbiest.
Du 5 juillet au 22 septembre 2015, le chercheur a récupéré les tweets de 794 hommes politiques francophones présents sur Twitter (membres de cabinets, communicants et militants présents sur le réseau social. Partis concernés : cdH, FDF, PTB, Ecolo, MR, PS) et de 305 journalistes.

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065_981be-161x282nb« Pour chaque personne analysée, j’ai examiné le nombre de personnes suivies sur Twitter, le nombre de followers et de tweets, la date de création du compte et la dernière activité sur le compte Twitter. J’ai aussi analysé comment, au sein de chaque parti, les membres se suivent les uns les autres. Enfin, j’ai vérifié s’ils mentionnaient leur parti, leur fonction et leur zone géographique d’activité », explique Nicolas Vanderbiest.
Ce travail minutieux a permis d’établir une cartographie des hommes/femmes politiques belges francophones sur la Twittosphère.

La conclusion est sans appel : « peut mieux faire » ! Entre les adeptes du « moi je », les inscrits aux abonnés absents de ce média de visibilité, les bien présents mais qui ne suivent pas les conversations des membres de leur propre camp… les partis politiques ont, dans l’ensemble, énormément de pain sur la planche pour s’approprier au mieux leur présence sur la twittosphère.

En quoi cette étude est-elle unique ?

    1. C’est la première étude qui donne un panorama aussi complet par parti politique francophone, de la base (militants) aux grands pontes, en passant par les élus locaux.
    2. Cette étude passe sous la loupe à la fois les interactions des hommes politiques avec l’extérieur (ce qu’ils retweetent, notamment), mais aussi les interactions au sein de leurs réseaux.
    3. En règle générale, les relations entre journalistes et hommes politiques sont plutôt de l’ordre du secret. Or Twitter sort ces interactions de l’ombre et fait apparaître des réseaux. Si le fait que des journalistes passent du côté du monde politique n’est pas nouveau, cette étude rend les réseaux et les affinités plus tangibles.

PORTRAIT DE L’HOMO POLITICUS BELGE

Premier constat : en moyenne, la personnalité politique belge francophone n’est pas particulièrement active sur Twitter. Bien moins actif(ve) que la majorité des twittos, l’homme/la femme politique moyen(ne) a tweeté 1682 fois depuis l’apparition du média social. De même, à part les grands ténors des partis, il/elle dispose de relativement très peu de followers.

Les politiques les plus suivis sont les chefs de file des partis. Le cdH semble, par contre, tout à fait perdu parmi les partis historiques et fait preuve d’un manque total de stratégie et de leadership en la matière. À noter que Frédéric Cauderlier, porte-parole de Charles Michel, occupe une place tout à fait prépondérante. Signe que le fait d’être un ancien journaliste a des avantages…

Autre constat : à l’exception d’Ecolo et du PTB, qui ont bien intégré le fait que Twitter représente un outil de visibilité non négligeable, l’homo politicus belge francophone actif sur Twitter pratique essentiellement l’art de l’autopromotion, avec quelques personnalités se distinguant particulièrement dans ce sport intitulé « moi je ». Au bout du compte, peu de personnalités parviennent à mobiliser l’engagement sur la twittosphère (mentions + retweets).

L’homo politicus belge francophone part également un peu trop du principe que son parti est clairement connu de tous (particulièrement au PS, dont un bon nombre d’élus considèrent que tout le monde sait à quel parti ils appartiennent.)

Enfin, peu d’hommes politiques maitrisent l’art du newsjacking, à savoir le fait de rebondir sur l’actualité avec aisance. On peut également être surpris de voir que les articles sur la culture ou le sport ne sont pas plus utilisés pour asseoir leur côté humain et « montrer les coulisses » des partis.

LUMIÈRE SUR LES RELATIONS AVEC LA PRESSE

Côté relations politiques/presse, l’examen de la cartographie confirme quelques croyances populaires comme le fait que le MR suit davantage RTL-TVi tandis que le PS est plus proche de la RTBF ou encore le fait que les anciens journalistes bénéficient d’un capital de visibilité supérieure aux hommes politiques.
À noter que si le cdH est souvent associé dans des gouvernements au Parti Socialiste, il semble sur Twitter plus proche du Mouvement Réformateur.

Sur les 10 politiques les plus suivis sur Twitter par les journalistes francophones, un seul est du parti Ecolo, aucun du cdH, ni du FDF.

Nom du politique Parti Nb de journalistes qui le suit sur Twitter
Elio Di Rupo PS 255
Didier Reynders MR 237
Charles Michel MR 235
Frédéric Cauderlier MR 228
Paul Magnette PS 221
Jean-Michel Javaux Ecolo 217
Rudy Demotte PS 216
Olivier Chastel MR 194
Karine Lalieux PS 192
Jean-Claude Marcourt PS 190

CARTOGRAPHIE DES JOURNALISTES

Comment lire les graphiques ?
Chaque acteur est un point, chaque relation entre les acteurs est un lien. Nous avons pu ainsi étudier la relation following-followers entre les acteurs.

Plus un point est gros, plus il est suivi par les autres personnes du réseau. La taille d’une personne montre donc son influence dans le réseau.
La couleur sert à isoler les sous-communautés à l’intérieur de la communauté (autrement dit, les groupes qui ont beaucoup de liens internes et peu de liens externes).
Enfin, plus un point est au centre, plus cela indique qu’il est connecté avec une majorité de gens dans le réseau.
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LES PARTIS SOUS LA LOUPE

PS (Parti Socialiste)

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Sans surprise, Elio Di Rupo (doyen du PS sur Twitter, 42,5% des followers du PS sur Twitter) et Paul Magnette sont les deux socialistes les plus connectés et les plus suivis.
Ils n’arrivent cependant pas à mobiliser (pas d’engagement/retweet + mentions massives) si ce n’est sur les dossiers européens.

Au PS, la répartition des réseaux est géographique, autrement dit on se suit sur Twitter par zone géographique, ce qui est en décalage avec la philosophie de Twitter, où la vision est plutôt globale.
Hashtags les plus utilisés durant la période analysée : #lachambre, #begov, #wallonie, #taxshif, #grèce, #sncb

Parmi les domaines les plus pointés : Facebook (à noter l’habitude des personnalités du PS de pointer vers leur page Facebook), RTBF, Le Soir et L’Avenir.
La majorité des articles partagés (57%) sont des articles d’autopromotion. Beaucoup, aussi d’articles critiquant la majorité.

MR (Mouvement Réformateur)

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Paradoxalement, Charles Michel (tout comme le compte Twitter officiel du MR) n’est pas au milieu du graphique, ce qui indique qu’il n’est pas suivi par toutes les communautés du graphique MR.
Le compte de Didier Reynders a le plus de followers. À noter que 20% de tous les articles tweetés par le MR comportent le nom « Reynders » dans le titre !
Les communautés sont identifiables par logique géographique, mais aussi dans une logique d’importance puisque les cadres du parti forment une communauté distincte.

Hashtags les plus utilisés durant la période analysée : #begov, #burkina, #estivalesmr, #eurosummit, #grexit
L’engagement (mentions+retweets) ici aussi pas très conséquent.
Parmi les domaines les plus pointés : Facebook, RTBF, La Libre, Le Soir et mr.be.
Le MR propose essentiellement de l’autopromotion (sur 809 liens partagés, 71% de promotion du MR). Mention spéciale à Didier Reynders, champion du « moi je ».
Le MR est davantage porté sur le sport et les faits divers que le PS.

cdH (centre démocrate Humaniste)

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Point marquant : absence de Benoît Lutgen du Twitter. Le président du parti se coupe ainsi d’un porte-voix auprès de la presse et ne montre pas l’exemple.
Cartographie du cdH totalement décousue, ce qui traduit une absence manifeste de stratégie de communication.

Au cdH, l’analyse de Twitter ne fait pas apparaître de véritable séparation par zone géographique. On se suit avant tout par caste.
Autre fait marquant : le dialogue entre les membres du cdH sur Twitter est quasi inexistant. Chacun est dans son coin à faire sa communication auprès de ses propres membres.

À noter qu’André Antoine, doyen du cdH sur Twitter, est suivi par seulement 59 membres du parti !
Le cdH est tellement peu actif #derbigum apparaît comme le 3ème hashtag le plus tweeté sur près de trois mois, après #lutgen (à défaut de compte Twitter) et #begov.

72% des articles partagés sont de l’autopromotion.
L’engagement autour des tweets du cdH est anecdotique.

Ecolo

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Benoit Hellings est l’Ecolo le plus connecté : celui qui suit et qui est suivi par le plus de personnes. Viennent ensuite Isabelle Durant et Jean-Michel Javaux.
À noter qu’Emilie Hoyos est tellement peu active que Twitter qu’elle en a oublié de changer son profil, et est donc toujours présentée comme présidente du parti.
Activité soutenue et par pics, en fonction de l’actualité. Les membres d’ECOLO arrivent parfaitement à s’insérer dans l’actualité, ce qui se traduit par un engagement sur leurs tweets tout à fait conséquent.
Les députés écolos sont nettement moins dans l’autopromotion.
Les thématiques les plus discutées sont les affaires européennes et étrangères, ainsi que l’actualité du gouvernement belge. On retrouve aussi des partages d’articles écologiques.

La cartographie des conversations révèle une communication efficace où chacun des politiques touche son propre réseau tout en communiquant à ses communautés de façon globale.

FDF (Front Des Francophones)

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Le FDF est un parti où l’on se suit très peu l’un l’autre sur Twitter (un seul lien a été partagé par 6 députés pendant la période d’analyse : celle d’un échevin jouant dans le film Camping 3…).

Olivier Maingain, pourtant chef de parti, ne suit par exemple que 19 comptes sur les 45 du parti présent sur le réseau social. Il est ainsi le patron de parti qui écoute le moins ses membres sur Twitter.

Le flux des conversations est haché et minime, en fonction de l’actualité. Elles tournent surtout autour du gouvernement fédéral, du communautaire et de bourgmestres.

Top Tweets : beaucoup de critiques du MR et du communautaire. Le FDF joue clairement dans le registre de « la petite phrase-choc qu’on voudrait voir reprise dans la presse ». À noter que le FDF est également le champion des hashtags que personne ne suit.

PTB (Parti des Travailleurs de Belgique)

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Raoul Hedebouw est le cadre du PTB le plus actif sur Twitter alors qu’il n’est présent sur le réseau social que depuis mai 2009.

Le PTB utilise véritablement Twitter comme outil pour obtenir de la visibilité.
Le PTB ne propose pas vraiment d’actualité propre, il fonctionne surtout en réaction à l’actualité (la Grèce ayant occupé une bonne partie des conversations durant la période examinée).

Les membres du PTB arrivent à engager leurs propres communautés tout en partageant des conversations communes.
Le PTB fait très peu dans la promo pure et dure. Le parti préfère se servir d’articles de presse pour prouver que la majorité est dans le faux. Le PTB est encore plus dans le combat d’opposition que le PS, mais il le fait de manière plus subtile et sans nécessairement se mettre en scène.

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