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Le RGPD (ou GDPR en anglais), ce règlement européen de protection de nos données personnelles, est entré en vigueur dans tous les pays de l’Union européenne le 25 mai. On a beaucoup parlé de la lourdeur de la mise en conformité. Et si on parlait aussi de nouveaux réflexes citoyens ? La prudence et l’éthique plutôt que la paranoïa ou l’insouciance.

La mort de la communication digitale ?

Il y a quelques jours, j’en discutais avec un ami : « C’est la mort de la communication numérique me disait-il. Tu te rends compte que dans notre entreprise, on nous a demandé de ne plus afficher les anniversaires sur l’Intranet parce qu’on n’a pas le consentement formel des salariés ? Et puis les cartes de vœux professionnelles envoyées à tous nos contacts, eh bien c’est fini aussi. » Des associations ont fermé l’espace membre de leur site web car les frais de modification technique pour les mettre en conformité avec le règlement étaient hors de leur budget.

Des histoires comme celles-là, nous en avons tous entendu ces derniers jours. Comment concilier ce règlement avec la communication des organisations qui doivent parler à leurs parties prenantes de manière personnalisée pour éviter d’être noyée dans l’infobésité ?

Allons même plus loin. Le RGPD vise à strictement encadrer la diffusion de nos données personnelles. Mais la frontière avec notre vie professionnelle devient ténue. De plus en plus de personnes mêlent leur image privée, leurs réseaux sociaux personnels avec le développement de leur carrière ou de leur activité. Et cela ne concerne plus uniquement des mandataires politiques, des dirigeants médiatisés ou des pro de la communication. Aujourd’hui, les profils sont très variés : le patron d’un restaurant ou d’une chambre d’hôte, le jeune diplômé, l’agriculteur qui vend à la ferme, le cadre en reconversion. L’image que nous créons sur Internet et que d’autre alimentent, parfois à notre insu, est devenu notre double numérique.

La mort de la vie privée ?

C’est bien ce qui marque la révolution 2.0. Chacun donne son avis, chacun note tout le monde. Les restaurants ne sont plus les seuls concernés. Les clients d’Airbnb et de Blablacar le savent, ils sont eux-mêmes notés et évalués. Sur Uber, un client ayant une note basse sera mis en relation avec un chauffeur ayant lui-même une note basse. La Chine va au bout de l’idée. En 2020, tous ses citoyens disposeront d’une note qui évolue en fonction de leur comportement dans la vie et sur les réseaux sociaux. Les libertés individuelles et les offres commerciales s’adapteront aux notes de chacun. Cauchemar, dystopie ou reflet de notre propre avenir ?

Cambridge Analytica : une première prise de conscience

Quel rapport avec le RGPD ? Vos données, votre comportement sur internet alimentent déjà des profils détaillés. Peu à peu votre identité numérique se façonne. Du pain bénit pour tous ceux qui veulent vous convaincre de leurs idées et qui savent désormais à quels arguments vous êtes sensibles. On dit souvent que les données sont le nouveau pétrole. Mais les marées noires numériques s’accumulent. Facebook connaît beaucoup de détails sur la vie et les habitudes de plus de 2 milliards d’humains. La moitié des citoyens français, les trois-quarts des Belges. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Facebook n’a pas été très regardant sur la protection de vos données personnelles.

En siphonnant les données de 87 millions d’utilisateurs de Facebook, Cambridge Analytica a pu segmenter de manière très fine les campagnes d’influence de ses clients pour distiller les arguments qui font mouche. Christopher Wylie, ex-directeur de recherche de Cambridge Analytica ayant révélé le scandale, dit même que sans eux, il n’y aurait pas eu de Brexit. Invérifiable mais interpellant.

Chacun est devenu un média

Si le citoyen ne comprend pas qu’il est devenu une proie, alors il faut réglementer pour empêcher le loup de le croquer. C’est l’esprit du RGPD. La même logique est en œuvre en ce moment en France sur le projet de législation anti-fake news. Pourtant la plupart des observateurs le disent, une règlementation va établir des sanctions mais ne résoudra pas le problème sur le fond. En 10 ans, avec les réseaux sociaux, le citoyen est devenu média, commentateur, lanceur d’alerte et justicier. 10 ans c’est trop court pour que l’ensemble de la population prenne conscience de ce nouveau pouvoir et s’autodiscipline. Pourtant c’est à nous tous de comprendre que nous sommes le problème et la solution. Le RGPD encadre les pratiques des professionnels pour protéger nos données personnelles mais aussi strict soit-il, il y aura d’autres marées noires numériques. A cause de fraudeurs, d’organisations négligentes ou victimes de piratage.

Votre image sur Internet ? À vous de jouer !

C’est nous qui devons prendre soin des informations que nous libérons. Mieux : nous devons façonner une identité numérique personnelle et professionnelle avec des informations que nous sommes capables d’assumer aujourd’hui et demain.

En Belgique, les élections communales approchent. Des candidats locaux aujourd’hui inconnus vont passer en quelques jours de l’ombre à la lumière médiatique. Qu’ils se méfient. Il y aura certainement parmi eux des victimes des « archéologues numériques » qui fouillent le passé à la recherche d’une phrase, d’une photo, d’un commentaire qui, parfois sorti de son contexte, peut être dévastateur pour une réputation.

Éthique personnelle et professionnelle, éducation aux médias dès l’école primaire, là est une bonne partie de la solution. Un vœu pieux ? Commençons par notre propre réputation. Car la protéger ce n’est pas la nettoyer, c’est la construire.

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