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Un an de « Face et profil » dans La Libre Entreprise, c’est un an passé à décortiquer l’image numérique d’une quarantaine de dirigeants. Un bel échantillon d’entrepreneurs qui livre aujourd’hui ses grandes tendances, ses forces, ses erreurs.
Du « peut mieux faire » au « continue comme ça », les bulletins ont été très inégaux, reflet d’un tâtonnement pour les uns, d’une aisance pour d’autres.
Mise au point.

TROIS GRANDES FAMILLES

41 audits, 41 personnes, 41 histoires.
Il est difficile de comparer le profil d’un patron du CAC40, le créateur d’une startup qui affole le Nasdaq et un Wallon qui dynamise son environnement local.
Mais en étudiant la manière dont ces dirigeants communiquent avec leur environnement, nous avons défini trois grandes familles.

1. L’AUTRUCHE

« Pour vivre heureux, vivons cachés ». C’est ce qu’on entend souvent dans la bouche des cadres et dirigeants qui méconnaissent Internet, le craignent et s’en détournent.

Cet adage avait sans doute quelques fondements il y a encore cinq ans, mais l’avènement du Web 2.0, qui donne la parole à tout le monde, en a gommé toute raison d’être : qui ne communique pas sur la toile dit pourtant quelque chose de lui. Quand d’autres ne s’en chargent pas à sa place.
C’est précisément là que se situe la faiblesse de cette stratégie du « vivons cachés » : ce que vous ne dites pas de vous, d’autres le feront. Comme ils l’entendent, au risque d’écorner votre image.

Bien sûr, il y a des exceptions car certains font de la discrétion une stratégie. Les médias se sont faits l’écho il y a quelques semaines de Jonathan Hirshon qui a trouvé le secret de l’anonymat sur Internet. Mais à quel prix ! C’est un travail de chaque instant réservé à des équipes d’experts.

TOP 5 des cadres et dirigeants « Autruches » analysés pour La Libre Belgique

Score Nom, Société Date de l’analyse
102 points Giacomo Stefani, DEME 27/06/2015
90 points Christ’l De Jonghe, Kunstmaan 08/10/2014
66 points Martine Reynaers, Reynaers Aluminium 20/06/2015
60 points Oliver Bäte, Allianz 14/03/2015
54 points Tadashi Yanai, Uniqlo 23/05/2015
 
Giacomo Stefani a 2 ans d’expérience professionnelle, d’autres plus de 30. Cette politique de l’autruche, commune à cette catégorie, s’explique par un excès de modestie, le nez dans le guidon ou une aversion pour le feu des projecteurs.
Difficile de se faire une idée de leurs valeurs et de leurs compétences en tapant leur nom sur Internet.

2. LE MAMMOUTH

Le mammouth privilégie la communication « à l’ancienne », centrée sur un puissant mouvement top-down. Le dirigeant et son entreprise parlent au travers d’interviews planifiées et de communiqués de presse rédigés par le service communication et relus par le service juridique.

S’ils sont présents sur les réseaux sociaux, ce sera avec la même philosophie : une communication unilatérale qui ne s’aventure pas dans la recherche d’un dialogue ; terrain dangereux car rempli d’imprévus.

On observe le même phénomène au sein de l’entreprise : les liens hiérarchiques y organisent les flux d’informations. Les cadres s’adressent à la base, l’inverse n’est pas autorisé. Les communicants ont le sentiment de maîtriser les affaires, tout en se détournant de « la futilité des réseaux sociaux » et de leurs risques.

Si ce type de communication est efficace dans nombre de situations, il n’est pas adaptée à l’Internet 2.0 où l’interactivité est essentielle. Les flux descendants, ascendants et transversaux sont de mise dans cet espace numérique où le dialogue a pris le pas sur la simple transmission d’information.
Ceux qui ne l’ont pas compris se trouveront dépourvus si leur entreprise subit une crise de communication ou un badbuzz. Impossible alors pour beaucoup d’entre eux d’insuffler des valeurs humaines et d’empathie, de fédérer ses troupes, d’être en prise directe et immédiate avec les journalistes, de rassurer le grand public et des victimes potentielles. Les séquelles sur la réputation de l’entreprise se mesureront vraisemblablement à long terme.

TOP 5 des cadres et dirigeants « Mammouths » analysés pour La Libre Belgique

Score Nom, Société Date de l’analyse
90 points Albert Frère, GBL 25/04/2015
78 points Philippe Varin, Areva 22/11/2014
60 points Eric Dubois, 3 Suisses 18/10/2014
51 points Guo Guangchang, Fosun 10/01/2015
48 points Philippe de Moerloose, SDA – SDAI 21/02/2015

Sans surprise, on retrouve dans ce groupe les « capitaines d’industrie », Français ou actifs en France. Dans la tradition française, les dirigeants dirigent, les communicants communiquent et les dirigeants discutent entre eux ou avec des journalistes, mais dans des cercles feutrés. La communication est très maîtrisée mais subit beaucoup d’inertie.

3. LE PAPILLON

Reste les « touche-à-tout ». Ils sont partout, explorent, tweetent et postent à tour de bras. Assurant une vraie présence, des échanges, un dialogue, l’interactivité n’est pas un vain mot pour eux. Mais souvent, les « touche-à-tout » effleurent plus qu’ils ne maîtrisent.

Dans leurs pérégrinations numériques, ils s’éparpillent, rebondissent, sautillent d’un réseau à l’autre, souvent sans véritable stratégie. Leur vie personnelle s’expose. Pas d’objectifs à long terme, pas d’analyse communicationnelle, pas de vision établie. Quels sont leurs relais d’opinion, quel est le fil rouge de leur communication ? Ils ne se posent pas ces questions car leur but n’est pas là. Les touche-à-tout passent à côté d’une construction efficace alors qu’ils en maîtrisent les outils.

Point positif, ils offrent une formidable visibilité à leur organisation. Leur service communication organisera le tri dans cette matière brute.

TOP 5 des cadres et dirigeants « Papillons » analysés pour La Libre Belgique

Score Nom, Société Date de l’analyse
96 points Shane Smith, Vice news 17/01/2015
78 points Reed Haskins, Netflix 20/09/2014
72 points Alexandre Mars, Epic Foundation 11/04/2015
63 points Travis Kalanick, Uber 31/01/2015
54 points Daniël Termont, Gent 25/10/2014

Les fondateurs de startups aux Etats-Unis règnent en maître dans cette catégorie. Un seul Belge, Daniël Termont, le bourgmestre de Gand, très présent sur Twitter.

Mais les ingrédients « USA, technologie ou digital native » ne sont pas synonymes d’habileté 2.0 : Elisabeth Holmes, la jeune fondatrice de Theranos et déjà milliardaire, Giacomo Stefani, 24 ans et superintendant de Deme pour l’élargissement du canal de Suez, sont en bas du classement des papillons.

LA BONNE STRATÉGIE ?

Un peu de tout. Et surtout, une communication adaptée à la personnalité et à l’environnement du dirigeant qui puisera dans les trois catégories.

La prudence de l’autruche, la puissance du mammouth et la vivacité du papillon.

La réputation se construit online sur les réseaux sociaux, offline via les médias. Tout en fixant une frontière autour de sa vie privée, frontière dont on maîtrisera toujours la perméabilité.
Quelques conseils pratiques ? Regardez en bas de cette page…
Résumé des 41 audits pour la Libre Belgique

DE L’IMPORTANCE DE PROTÉGER SA VIE PRIVÉE

Il y a moins de dix ans, pour se faire une idée de la vie personnelle d’un cadre ou d’un dirigeant, il fallait engager un détective privé, pour fouiller ses poubelles et interroger ses voisins. Aujourd’hui, on trouve souvent plus d’informations en quelques clics.

Pourquoi chercher des détails privés ? Parce qu’aujourd’hui, plus encore qu’hier, le pouvoir, c’est l’information exclusive. Les diplomates et les négociateurs aiment connaître certains traits de la personnalité de leur interlocuteur, ses moteurs, ses freins, ses passions. Et tout le monde est un peu un diplomate ou un négociateur. Votre futur employé, un nouveau partenaire, un client qui négocie un gros contrat.

Au cours de cette quarantaine d’audits pour La Libre, nous sommes tombés sur quelques perles.
Pour évaluer la protection de la sphère privée, nous avions 14 critères. Un jeu de pistes. Trouver en moins de 15 minutes dans des bases de données totalement publiques : l’adresse personnelle, la photo du conjoint, le prénom des enfants, des informations privées potentiellement nuisibles à l’image professionnelle.

73% des personnes analysées ne protègent pas assez leur vie privée.

Mission remplie dans 73% des cas. C’est ce qui nous a le plus étonné. Mais relativisons. Avoir des informations privées sur Internet n’est pas un problème en soi. L’essentiel est d’être conscient que quiconque peut facilement y accéder. Pourtant, certains dirigeants grimaceraient en voyant ce que nous avons collecté à leur sujet en à peine un quart d’heure.

LES DIRIGEANTS, ACTEURS DE LA RÉPUTATION DE LEUR ENTREPRISE… ET DE SES CRISES DE COMMUNICATION

L’image des dirigeants et de leurs organisations sont étroitement liées. Pour le meilleur et pour le pire.

Voici trois exemples de dirigeants dont l’e-réputation a été analysés pour la Libre Belgique et qui ont ensuite subi une crise de communication en 2015.

Jan Bens fait d’étonnantes révélations à un journaliste sans penser aux conséquences pour son organisation.

En juin 2015, Jan Bens, le patron de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire révèle dans une interview qu’il a proposé des « enveloppes » à l’époque où il travaillait pour Tractebel au Kazakhstan. « C’est une économie de cash avec une corruption invraisemblable », avait-il justifié. Il ajoutait que la catastrophe de Fukushima n’avait fait que deux morts… Et que ce n’était pas « le grand amour » entre Electrabel et lui.
Ces révélations ont mis son organisation dans une position très délicate. Les questions parlementaires et les articles de presse appelant à sa démission ont forcé le conseil d’administration de l’Agence fédérale à préciser – par voie de communiqué – regretter « les propos maladroits » de Jan Bens et le fait « qu’il n’ait pas mesuré la portée de son interview » ainsi que « les répercussions sur la confiance de l’agence et de son image ».

Cette situation aurait pu être évitée avec quelques sessions de « media-training ».
Huit mois avant, nous écrivions dans l’audit de la Libre
: « Mais Jan Bens paraît peu armé pour faire face à une tempête médiatique. Dès lors, un conseil : redoubler de vigilance par rapport aux petites phrases qui peuvent être vite déformées et amplifiées à des fins politiques. »

Eric Dubois est aux abonnés absents alors qu’un violent badbuzz secoue les 3 Suisses.

3suissesLe 8 janvier, au lendemain de l’attentat à Charlie Hebdo, l’image sur fond noir « JE SUIS CHARLIE » s’est installée sur les profils de millions d’inconnus sur les réseaux sociaux.
Le Community Manager du compte Facebook des 3 Suisses juge opportun de créer une image, qu’il espère virale : « JE 3SUISSES CHARLIE ». Les réactions indignées et appel au boycott sont immédiats et massifs. C’est un vrai « bad buzz » pour la marque. Pourtant, la gestion de cette crise de communication s’enlise avec un communiqué officiel répété en continu et sans personnalisation sur les réseaux sociaux. Cela ne fait qu’envenimer encore un peu plus les réactions des internautes. C’est à ce moment que le capitaine Eric Dubois devait monter à la proue du navire pour réagir au nom de la marque, s’excuser et être constructif. Mais il est resté aux abonnés absents.
Nous l’avons interpellé par Twitter dès les premières heures de la polémique sans obtenir de réponse… de la part de son service de communication.

Agnès Ogier défend maladroitement le personnel du Thalys et relance ainsi la polémique.

Fin 2014, Agnès Ogier, prend les commandes de Thalys. En février 2015, nous arrivions à la conclusion que « Vraisemblablement hermétique à la communication 2.0, elle pourrait pourtant s’y investir en tant que nouveau visage de Thalys pour insuffler des valeurs humaines dans la nouvelle mission du transporteur. A commencer par son profil Linkedin : transformer son CV en ligne en un vrai réseau d’influenceurs. »

Six mois plus tard, l’attentat déjoué dans le Thalys par des militaires américains en vacances, a mis en lumière la panique du personnel qui a abandonné les passagers à leur sort. L’acteur Jean Hugues Anglade s’en est fait l’écho et a été très relayé par les médias et sur les réseaux sociaux. Pour Agnès Ogier l’exercice de réponse était, bien sûr, difficile mais son absence d’empathie a confirmé que sa communication est restée très institutionnelle et en décalage avec les attentes de ses détracteurs. Les réactions de certains ont été à la hauteur de l’ouverture de parapluie. Pourtant, il est possible de diriger une grande entreprise et être en phase avec une communication de crise. Guillaume Pepy, Président de la SNCF, salué pour sa gestion humaine de la communication lors de l’accident de Brétigny-sur-Orge, a trouvé en quelques heures les mots et les actes pour éteindre l’incendie qui encerclait le personnel de Thalys .

QUELQUES CONSEILS

CONSTRUIRE PLUTÔT QUE NETTOYER

Nettoyer son e-réputation en noyant ou en supprimant certains résultats de Google n’est pas une stratégie. Lorsque c’est nécessaire, c’est uniquement pour se donner le temps de mettre en place un plan d’action qui se déroulera sur plusieurs mois.

Nettoyer son e-réputation c’est comme regarder la mer monter et descendre. C’est toujours agir avec un temps de retard

Plutôt que de penser à nettoyer sa réputation en ligne, mieux vaut penser à la construire. Parler de son expertise, de ses valeurs et construire un réseau pour développer sa visibilité et nouer des contacts.

PAS DE COMMUNICATION SANS OBJECTIF

Les réseaux sociaux ne sont pas une fin en soi. Ce sont des canaux de communication qui doivent servir un objectif : développer un carnet d’adresses, recruter des collaborateurs, prospecter, fidéliser des clients, assurer un support technique, prendre la température d’un marché. Impossible de « faire un peu de tout ».
Et sans objectif, pas d’indicateur de performance, pas de plan d’action… et beaucoup de découragement après quelques mois. 
Trop de cadres et de dirigeants voient encore Linkedin comme un site de CV en ligne ou de collection de cartes de visite. Alors que c’est avant tout un fantastique lieu de réseautage.

Linkedin est un réseau social professionnel et chacun de ces trois mots est important.

ECOUTER ET DIALOGUER

La principale révolution apportée par les réseaux sociaux c’est le changement qui s’est opéré dans l’esprit de chacun. Désormais, on fait plus confiance à l’avis de ceux qui nous ressemblent qu’à la publicité traditionnelle.

On ne se déclare plus expert, on doit le montrer. Et si ce sont les autres qui le disent, c’est mieux.

Combien d’entreprises écoutent, analysent et tiennent compte ce que l’on dit d’elles sur Internet ? Moins d’un tiers si l’on croise des études récentes. Voilà le grand défi des dirigeants qui ont souvent raté le virage des réseaux sociaux : écouter et dialoguer pour incarner leur organisation.

SI VIS PACEM, PARA BELLUM

C’est en temps de paix qu’il faut se préparer à affronter une tempête médiatique.

Anticiper la crise, c’est imaginer des scénarios mettant en scène des atteintes à la crédibilité ou à la réputation de l’entreprise, des « bad buzz » potentiels. On peut alors réunir les bons réflexes et les bons acteurs d’une communication de crise. En interne et en externe.

GARDER LA MAÎTRISE

Prendre le contrôle de son image est un objectif à poursuivre, sans hésitation. Que l’on cherche à entrer dans la lumière ou dans l’anonymat. Bien connaître les rouages de cette mécanique numérique 2.0 est indispensable dans un cas comme dans l’autre. Pour en rester le maître.

Veiller à son image numérique, c’est dire soi-même qui on est et ce qu’on fait… ce qu’on vaut. Veiller à sa réputation en ligne, c’est faire coïncider l’image réelle avec l’image numérique. Mettre en avant sa marque, son produit, son entreprise. Valoriser ses succès, tirer profit de ses faiblesses. Parce que la réputation forge une image et que l’image renforce la réputation.

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