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En quelques jours, le nom d’Andreas Lubitz est devenu connu du monde entier. Dans la course au profiling du copilote de la Germanwings, les médias ont entraîné une victime psychologique collatérale : son homonyme qui habite en Suisse.

Tous médias, tous enquêteurs et tous commentateurs. Une nouvelle habitude grâce à la puissance de Google, à l’immédiateté et à la viralité des réseaux sociaux. Que reste-t-il aux journalistes ? L’analyse de fond, la prise de recul, la vérification des sources. Mais pas toujours. La collecte d’informations est à un clic et le scoop se joue parfois à la seconde.

andreas-topsy Deux jours après le crash du vol 4U9525 dans les Alpes, le procureur de Marseille divulgue une série de détails en conférence de presse. Le nom du copilote et sa volonté manifeste de détruire l’avion et ses passagers ne semblent pas faire de doute.

L’e-réputation et les détectives du Web

andreas-googleDès cet instant, les conjectures s’envolent sur Twitter et la presse publie les premiers articles avec cette impossible question : «Qui était Andreas Lubitz ?»

Chacun part à la recherche de ses traces numériques pour exhumer son passé. En commençant par Facebook, le lieu idéal pour regarder une vie privée par le trou de la serrure. Le compte a déjà été suspendu mais on retrouve des photos dans le cache de Google. C’est une photo de voyage qui sera la première à faire le tour du monde des médias. andreas-tineye Mais il faut déjà du neuf, les articles tournent en rond et le journal de 20h approche.
Un fin limier met la main sur une série de photos issues d’une banque d’images montrant Andreas Güenter Lubitz au semi-marathon d’Hambourg, dossard 1380, casquette noire. C’est cette casquette qui va contribuer à la confusion d’identité.

Au même moment, Twitter relaye une autre photo d’un compte Facebook toujours actif. Le jeune homme apparaît avec sa casquette noire sur fond de montagne. Ça rappelle les lieux du crash, c’est parfait.

andreas-facebook La presse italienne puis française diffuse la photo. La voilà officielle. Comme les rédactions se font confiance les unes, les autres, l’effet domino est lancé. Jusqu’à sa consécration : le JT de TF1 et la Une de la Presse régionale.
Mais Andreas Güenter n’est pas Andreas Güenter Lubitz… andreas-tf1

Quelles conséquences pour Andreas qui habite aujourd’hui à Berne ?

Ce n’est pas la première fois que des (presque) inconnus doivent subir la célébrité d’un « jumeau Google » : Eric Zemmour et ses salons de coiffure, Julien Dray qui tire des camions de 19 tonnes ou Mohamed Merah, boxeur à Douai. Ils ont beaucoup de mal à exister professionnellement sur Internet à cause de leur imposant homonyme.

Dans le cas du crash de la Germanwings, l’homonymie n’est pas parfaite mais les deux Andreas se ressemblent, leur différence d’âge n’est pas flagrante et leurs photos se côtoient maintenant dans des articles liés au crash.

Lorsque la tempête médiatique sera retombée, le nom d’Andreas Lubitz restera dans l’inconscient collectif. Une recherche sur Google fera resurgir ces traces du passé. Le destin numérique de ces deux hommes va rester scellé pour quelques années.

En découvrant la confusion médiatique, l’intéressé a pris cela avec philosophie : «Je n’ai pas réagi de manière particulière. J’ai pensé que l’affaire se clarifierait rapidement, parce que mon nom de famille ne correspond pas à celui du copilote» explique-t-il au site suisse 20 minutes, avant de conclure : «Cela me surprend que les journalistes du monde entier prennent une information sur un tweet.» 

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Sa photo se retrouve désormais partout sur le Web. Sa petite amie se trouve embarquée avec lui sous le feu des projecteurs : son nom et leur selfie illustrent des articles de presse en ligne. Certes, pour dénoncer la confusion malheureuse mais est-ce bien nécessaire de divulguer de nouveaux détails sur leurs vies privées ?

Comment Andreas peut-il supprimer ces photos ?
Quels recours si sa carrière devait en souffrir ?

Peter Craddock, Avocat au cabinet Liedekerke à Bruxelles, conseille une procédure amiable pour « demander d’une part la suppression des photos et d’autre part la rectification des articles publiés. Le traitement de sa photo et de ses informations personnelles est en effet sans lien avec les besoins journalistiques liés à l’histoire du crash aérien, de sorte que cet homonyme suisse peut invoquer en droit belge des arguments tirés du droit à l’image (pour la photo) et de la protection des données à caractère personnel ».
Pour Peter Craddock un recours en justice paraît hasardeux car il implique de démontrer qu’il y a eu une faute, un dommage et un lien entre les deux : « D’une part, si son dommage est moral, il lui sera difficile de justifier un montant autre qu’un unique euro symbolique ; d’autre part, si son dommage est économique (par exemple une perte d’opportunités commerciales ou professionnelles), peut-il prouver la causalité entre la faute et ce dommage ? »

Conclusions pour Andreas

La Presse relate largement cette confusion d’identité. C’est heureux car ce n’est pas toujours le cas. C’est le meilleur moyen de nettoyer au grand jour son image : dire et faire dire que ces photos ne sont pas celles du copilote incriminé dans le crash de l’A320.
Et s’il est à la recherche de visibilité professionnelle, c’est le moment d’expliquer qui il est et quelles sont ses valeurs, ses compétences. En ne communiquant que les informations privées qu’il aura choisies, c’est une manière de reprendre la main sur ce qu’Internet retiendra. Une sorte d’effet Streisand positif.
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